L'ÉCHO DE LA DENT DE REZ
La gazette impertinente des conservateurs du massif de la dent de rez / site natura2000 des gorges de l'Ardèche et de leurs plateaux
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Peut on se moquer de tout , en toute impunité
--> https://deshautsetdebats.wordpress.com/2013/11/27/peut-on-rire-de-tout/
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L’incitation à commettre des crimes et des délits, y compris l’apologie des crimes contre l’humanité. Ce délit inclut la « provocation à la haine raciale », selon lequel « ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement ».
Pour que cette incitation soit constituée il faut qu’elle soit directe, que les personnes soient clairement désignées par des caractéristiques citées dans la loi : origine, appartenance ethnique, race, religion, ce qui exclut qu’un tel délit puisse s’appliquer pour un dogme ou la politique de certains Etats, comme l’a rappelé la Cour de cassation en mai 2007. Il faut aussi qu’il y ait une véritable intention d’inciter à commettre un délit ou un crime car il n’y a pas de délit sans intention de le commettre (c’est là un point difficile à prouver).
La négation des crimes contre l’humanité (article 24), incluant la traite négrière et l’esclavage depuis la loi Taubira en 2001. Ce point est paradoxal car la liste des crimes contre l’humanité est un peu arbitraire : ainsi, fait remarquer Eolas, « sont interdits de manière générale l’apologie des crimes contre l’humanité commis par les puissances de l’Axe (n’allez pas approuver la prostitution forcée des femmes coréennes par l’armée impériale japonaise, mais vous pouvez vous réjouir de la famine provoquée par Staline en Ukraine et ses 3 à 7 millions de mort), l’incitation à la haine raciale ainsi que la pornographie enfantine. »
Vous pouvez penser ce que vous voulez
Il va de soi que tous ces délits n’existent qu’exprimés. Eolas l’explique fort bien : « le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie et la xénophobie ne sont pas illégaux en soi en France. Le fait de partager ces doctrines fait de vous un sale con, pas un délinquant. C’est leur expression publique qui, à certaines conditions, tombe sous le coup de la loi ; essentiellement quand elle prend la forme de la provocation à la haine, la diffamation et l’injure, ou quand elle se matérialise concrètement sous forme de discrimination. Il n’y a pas de police de la pensée en France qui va aller chercher aux tréfonds de votre âme quelle sont vos opinions pour au besoin vous jeter en prison pour elles. Outre les difficultés pratiques d’une telle perquisition, ce système n’est pas souhaitable, car il ouvre la voie aux pratiques les plus totalitaires. Seules les dictatures répriment les idées et les opinions. Gardons cela à l’esprit. »
En privé, c’est condamnable aussi, mais c’est moins grave
Quid de leur expression privée ? Car Eolas parle bien d’expression publique. Les injures, la diffamation ou l’apologie d’un délit tenu en privé, par exemple chez soi, est-il également répréhensible ? Oui, mais avec deux différences : la première est qu’il ne s’agit plus d’un délit, mais d’une simple contravention de 4ème classe (article R624-3du code pénal), soit 750 euros d’amende maximum et évidemment, aucune peine de prison encourue. De plus, elle est beaucoup plus difficile à prouver pour celui qui porte plainte, sur qui repose la charge de la preuve. Il ne suffit pas d’aller dire au commissariat que votre voisin vous a traité de sale juif, il faut encore le prouver. C’est pourquoi les atteintes privées à la liberté d’expression sont très rarement condamnées.
Existe-t-il une excuse d’humour ?
Nous en arrivons à notre question. Existe-il dans la loi une excuse d’humour ? Un cas est célèbre, celui de Patrick Sébastien. En 1995, pour une émission de télévision, il se grime en Jean-Marie Le Pen et reprend Patrick Bruel dans une version modifiée, intitulée « Casser du Noir » avec les paroles que l’on imagine. Résultat : tollé médiatique et Sébastien fut condamné en cassation, alors que la Cour d’appel l’avait relaxé.
Bien sûr, personne ne pouvait soutenir sérieusement que cet animateur était raciste, alors que toute sa vie montrait le contraire. Mais la question n’est pas là.
Regardons l’argumentaire de la Cour de Cassation. Elle insiste sur le fait que l’aspect « second degré » du texte est important. Car en effet, pris au premier degré, « le texte de la chanson incriminée contient les éléments constitutifs du délit ». Dans ce cas « la seule question est de savoir si, comme les prévenus le soutiennent, ce texte doit être pris au « deuxième degré »».
Or, par quels moyens peut-on être assuré qu’un texte doit être pris au second degré ? Il faut que ce soit explicite, répond la Cour, « que ce sens différent du sens littéral [soit] le résultat, soit d’une action directe par un avertissement explicite donné par l’auteur au spectateur, soit d’une action indirecte résultant de la mise en scène ».
On notera cette seconde phrase : le second degré peut provenir « soit d’une action directe par un avertissement explicite donné par l’auteur au spectateur » (Attention, ceci est une blague), « soit d’une action indirecte résultant de la mise en scène ». Ainsi, si un humoriste de métier fait, lors d’un spectacle, une blague raciste, il ne sera probablement pas condamné puisque le fait même de se trouver dans un spectacle d’humour inclus une mise en scène de facto « second degré ». Stéphane Guillon en est l’exemple parfait. Il est intéressant de noter, d’ailleurs, l’argumentation de Jean-Michel Royere pour qui les blagues sur les handicapés sont acceptables dans un cabaret « parce que l’on est venu pour cela et on est en comité restreint», autrement dit parce que le second degré est très clair, « mais qui sont inacceptables sur une radio de grande écoute », sur laquelle 5 minutes avant on parlait de politique.
Mais alors, pourquoi la Cour de cassation condamna Patrick Sébastien ? Eh bien justement, elle lui reproche un aspect « second degré » discutable : « il ressort du contexte dans lequel la séquence litigieuse s’est déroulée que, contrairement à ce qui est soutenu par les prévenus, on ne se trouve pas dans un registre purement fantaisiste mais dans un cadre hybride où le débat politique est très présent; (…) qu’en fait, l’émission a tourné, de façon implicite, à un débat sur les opinions concernant les étrangers ; » (…) « que, sans doute, elle est parodique, mais rien n’est fait pour prendre une distance à son égard » (…) « que, contrairement à ce que soutiennent les prévenus, rien n’a été fait pour que le téléspectateur ait une interprétation « au second degré » de cette séquence ainsi que du texte incriminé; ».
Par ailleurs la Cour retient l’intention volontaire d’inciter à la haine raciale et à la discrimination, élément essentiel du délit car « il ne s’agit pas d’une émission en direct, mais d’une production préparée et préenregistrée, et énoncent qu’en diffusant une telle séquence, qui n’est pas le fruit d’improvisations mal contrôlées ». Sur ce point, son argumentation est à mon humble avis de non-juriste discutable.
Conclusion
Non, en France, on ne peut pas tout à fait rire de tout. Certes, même une blague clairement raciste est permise, à condition de prouver de façon explicite qu’on se situe dans le registre de l’humour, que ce soit clair pour l’auditoire, et à condition de prouver qu’on n’a aucune intention d’inciter à commettre un délit ou d’inciter les spectateurs à en commettre un. Et un engagement antiraciste ou des positions connues comme antiracistes ne sont pas vraisemblablement, une preuve suffisante. Ce qui exclut beaucoup de situations, à l’exception sans doute des spectacles d’humour officiels.
Cependant, il reste qu’aucune blague ne vous évitera une condamnation si elle contient une diffamation caractérisée, une injure, une dénonciation calomnieuse, l’apologie d’un crime ou qu’elle contrevient aux lois protégeant l’anonymat des citoyens (cf. supra).
L’humour est, globalement en France, faiblement restreint. On peut presque rire de tout. Mais il est quand même restreint.
Dans une seconde partie, nous parlerons du point de vue moral : si, légalement, on peut presque rire de tout, qu’en dit l’éthique ?
Texte écrit par Vianney.
L’incitation à commettre des crimes et des délits, y compris l’apologie des crimes contre l’humanité. Ce délit inclut la « provocation à la haine raciale », selon lequel « ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement ».
Pour que cette incitation soit constituée il faut qu’elle soit directe, que les personnes soient clairement désignées par des caractéristiques citées dans la loi : origine, appartenance ethnique, race, religion, ce qui exclut qu’un tel délit puisse s’appliquer pour un dogme ou la politique de certains Etats, comme l’a rappelé la Cour de cassation en mai 2007. Il faut aussi qu’il y ait une véritable intention d’inciter à commettre un délit ou un crime car il n’y a pas de délit sans intention de le commettre (c’est là un point difficile à prouver).
La négation des crimes contre l’humanité (article 24), incluant la traite négrière et l’esclavage depuis la loi Taubira en 2001. Ce point est paradoxal car la liste des crimes contre l’humanité est un peu arbitraire : ainsi, fait remarquer Eolas, « sont interdits de manière générale l’apologie des crimes contre l’humanité commis par les puissances de l’Axe (n’allez pas approuver la prostitution forcée des femmes coréennes par l’armée impériale japonaise, mais vous pouvez vous réjouir de la famine provoquée par Staline en Ukraine et ses 3 à 7 millions de mort), l’incitation à la haine raciale ainsi que la pornographie enfantine. »
Vous pouvez penser ce que vous voulez
Il va de soi que tous ces délits n’existent qu’exprimés. Eolas l’explique fort bien : « le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie et la xénophobie ne sont pas illégaux en soi en France. Le fait de partager ces doctrines fait de vous un sale con, pas un délinquant. C’est leur expression publique qui, à certaines conditions, tombe sous le coup de la loi ; essentiellement quand elle prend la forme de la provocation à la haine, la diffamation et l’injure, ou quand elle se matérialise concrètement sous forme de discrimination. Il n’y a pas de police de la pensée en France qui va aller chercher aux tréfonds de votre âme quelle sont vos opinions pour au besoin vous jeter en prison pour elles. Outre les difficultés pratiques d’une telle perquisition, ce système n’est pas souhaitable, car il ouvre la voie aux pratiques les plus totalitaires. Seules les dictatures répriment les idées et les opinions. Gardons cela à l’esprit. »
En privé, c’est condamnable aussi, mais c’est moins grave
Quid de leur expression privée ? Car Eolas parle bien d’expression publique. Les injures, la diffamation ou l’apologie d’un délit tenu en privé, par exemple chez soi, est-il également répréhensible ? Oui, mais avec deux différences : la première est qu’il ne s’agit plus d’un délit, mais d’une simple contravention de 4ème classe (article R624-3du code pénal), soit 750 euros d’amende maximum et évidemment, aucune peine de prison encourue. De plus, elle est beaucoup plus difficile à prouver pour celui qui porte plainte, sur qui repose la charge de la preuve. Il ne suffit pas d’aller dire au commissariat que votre voisin vous a traité de sale juif, il faut encore le prouver. C’est pourquoi les atteintes privées à la liberté d’expression sont très rarement condamnées.
Existe-t-il une excuse d’humour ?
Nous en arrivons à notre question. Existe-il dans la loi une excuse d’humour ? Un cas est célèbre, celui de Patrick Sébastien. En 1995, pour une émission de télévision, il se grime en Jean-Marie Le Pen et reprend Patrick Bruel dans une version modifiée, intitulée « Casser du Noir » avec les paroles que l’on imagine. Résultat : tollé médiatique et Sébastien fut condamné en cassation, alors que la Cour d’appel l’avait relaxé.
Bien sûr, personne ne pouvait soutenir sérieusement que cet animateur était raciste, alors que toute sa vie montrait le contraire. Mais la question n’est pas là.
Regardons l’argumentaire de la Cour de Cassation. Elle insiste sur le fait que l’aspect « second degré » du texte est important. Car en effet, pris au premier degré, « le texte de la chanson incriminée contient les éléments constitutifs du délit ». Dans ce cas « la seule question est de savoir si, comme les prévenus le soutiennent, ce texte doit être pris au « deuxième degré »».
Or, par quels moyens peut-on être assuré qu’un texte doit être pris au second degré ? Il faut que ce soit explicite, répond la Cour, « que ce sens différent du sens littéral [soit] le résultat, soit d’une action directe par un avertissement explicite donné par l’auteur au spectateur, soit d’une action indirecte résultant de la mise en scène ».
On notera cette seconde phrase : le second degré peut provenir « soit d’une action directe par un avertissement explicite donné par l’auteur au spectateur » (Attention, ceci est une blague), « soit d’une action indirecte résultant de la mise en scène ». Ainsi, si un humoriste de métier fait, lors d’un spectacle, une blague raciste, il ne sera probablement pas condamné puisque le fait même de se trouver dans un spectacle d’humour inclus une mise en scène de facto « second degré ». Stéphane Guillon en est l’exemple parfait. Il est intéressant de noter, d’ailleurs, l’argumentation de Jean-Michel Royere pour qui les blagues sur les handicapés sont acceptables dans un cabaret « parce que l’on est venu pour cela et on est en comité restreint», autrement dit parce que le second degré est très clair, « mais qui sont inacceptables sur une radio de grande écoute », sur laquelle 5 minutes avant on parlait de politique.
Mais alors, pourquoi la Cour de cassation condamna Patrick Sébastien ? Eh bien justement, elle lui reproche un aspect « second degré » discutable : « il ressort du contexte dans lequel la séquence litigieuse s’est déroulée que, contrairement à ce qui est soutenu par les prévenus, on ne se trouve pas dans un registre purement fantaisiste mais dans un cadre hybride où le débat politique est très présent; (…) qu’en fait, l’émission a tourné, de façon implicite, à un débat sur les opinions concernant les étrangers ; » (…) « que, sans doute, elle est parodique, mais rien n’est fait pour prendre une distance à son égard » (…) « que, contrairement à ce que soutiennent les prévenus, rien n’a été fait pour que le téléspectateur ait une interprétation « au second degré » de cette séquence ainsi que du texte incriminé; ».
Par ailleurs la Cour retient l’intention volontaire d’inciter à la haine raciale et à la discrimination, élément essentiel du délit car « il ne s’agit pas d’une émission en direct, mais d’une production préparée et préenregistrée, et énoncent qu’en diffusant une telle séquence, qui n’est pas le fruit d’improvisations mal contrôlées ». Sur ce point, son argumentation est à mon humble avis de non-juriste discutable.
Conclusion
Non, en France, on ne peut pas tout à fait rire de tout. Certes, même une blague clairement raciste est permise, à condition de prouver de façon explicite qu’on se situe dans le registre de l’humour, que ce soit clair pour l’auditoire, et à condition de prouver qu’on n’a aucune intention d’inciter à commettre un délit ou d’inciter les spectateurs à en commettre un. Et un engagement antiraciste ou des positions connues comme antiracistes ne sont pas vraisemblablement, une preuve suffisante. Ce qui exclut beaucoup de situations, à l’exception sans doute des spectacles d’humour officiels.
Cependant, il reste qu’aucune blague ne vous évitera une condamnation si elle contient une diffamation caractérisée, une injure, une dénonciation calomnieuse, l’apologie d’un crime ou qu’elle contrevient aux lois protégeant l’anonymat des citoyens (cf. supra).
L’humour est, globalement en France, faiblement restreint. On peut presque rire de tout. Mais il est quand même restreint.
Dans une seconde partie, nous parlerons du point de vue moral : si, légalement, on peut presque rire de tout, qu’en dit l’éthique ?
Texte écrit par Vianney.
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